Il me
revient en mémoire cet hiver 86
Trois
semaines bloqués par plus d'un mètre cinquante de neige
Deux
trentenaires et une petite fille de 5 ans, vivant dans la forêt,
dans une cabane construite de leurs mains et avec les moyens du bord,
c'est à dire peu. Du bois, du grillage à moutons dans lequel nous
avions entremêlé les bruyères que nous avions coupées pour
dégager l'endroit où construire la cabane, le tout recouvert
d'argile récolté sur place, un torchis de notre invention.... Ce
choix de matériaux découlait d'une contrainte de taille : un
chemin de 2km à peine carrossable nous reliait à la petite route des
Corbières qui passait plus haut, à 20mn du village le plus proche.
Nous descendions en voiture à mi chemin puis le transport des
courses se faisait en brouette !
Le
transport de l'eau potable aussi, car nous n'avions ni eau
potable, ni électricité, ni téléphone...
Nous
sommes restés trois semaines bloqués avec une petite fille dans la
neige, pas d' internet, ni de portable à l'époque. Seule la
radio à piles nous tenait compagnie. Nous étions habitués à faire
des réserves de céréales, d'huile, à faire du pain. Au bout d'une
semaine, le père a essayé de rejoindre le hameau à pied mais le
froid était vif, la neige avait gelé, il a dû renoncer .
Dans
le décor, détail supplémentaire, nous avions un troupeau de
brebis à nourrir.
La
nuit où la neige était tombée, nous nous étions relayés pour
dégager le neige du toit de la cabane de peur qu'il nous tombe sur
la tête. Au matin, il avait fallu creuser un chemin dans la neige
pour rejoindre la bergerie, à quelques mètres de la cabane.
Nous
avions peu de foin, de l'eau à transporter, il fallait couper des
branches d'arbres pour complémenter les bêtes.
Nous
étions seuls au monde sans aide éventuelle puisque sans contact
possible.
La
petite fille était ravie de marcher sur les bords de la tranchée sur la neige gelée, elle était du coup à notre hauteur.
Un
jour dans le silence ouaté, nous avons entendu le bruit de moteur
d'un hélico, quelqu'un au village s'était inquiété de nous.
C'était l'armée,. Ils se sont posés, sont venus à nous en
rampant dans la neige, avec des baguettes de pain blanc toutes
molles, un médecin voulait à tout prix voir la petite fille qui
s'était cachée de peur … nous ne voulions pas partir, pour nous
tout allait bien, et nous avions les brebis à nourrir, il nous manquait juste du tabac !!
ils n'en avaient évidement pas à notre grande déception !!
Cette
histoire a fait le tour de la région . On nous a traités
d'inconscients. Ce que nous étions peut - être. Nous n'avions peur de rien, notre désir impérieux était de vivre dans et avec la nature.
Nous y avons appris la solitude et découvert nos limites.
la preuve par l'image |